« Si jamais cela s’avère, ce sera la fin de l’élevage dans cette zone. »
A l’évocation de l’impact présent des entreprises minières, El Hadj Amadou Sow et ses collègues éleveurs venus à l’occasion du marché hebdomadaire de Diogo ont surtout à l’esprit l’avenir de leur activité.
Pour cause la rumeur courante ces temps-ci sur une velléité de cession d’un des seuls espaces non encore occupés à une industrie extractive qui fait débat en leur sein.
Un affolement injustifié pour le moment mais qui renseigne sur la tension autour des zones de pâturages de plus en plus réduites car comme le confie Amadou Sow : « c’est devenu très pénible depuis l’implantation des entreprises minières ».
Contrairement aux propriétaires de terre, les éleveurs ne sont pas concernés par les indemnisations. Ils estiment pourtant que l’itinéraire de leurs bêtes est tout autant obstrué voire occupé par les installations minières alors que plus au Nord « la poussière qui se dépose sur l’herbe rend malades nos animaux » affirme le soixantenaire Amadou Sow en indiquant les abords du périmètre d’exploitation des ICS.
La pollution générée par les Industries Chimiques du Sénégal indispose également Fama Sow* venue abreuver son troupeau à Méouane. Aux alentours, des dizaines de moutons faméliques et plusieurs bœufs encadrés par leurs propriétaires en attendant leur tour au bassin.
Pour Fama, ces animaux à l’allure peu fameuse sont affectés autant que les siens par une alimentation douteuse, « polluée », c’est le mot que se passent les éleveurs qui pointent surtout du doigt les Industries Chimiques du Sénégal peu enclines à s’exprimer sur le sujet malgré les différentes interpellations.
Cheikh Ahmed Bamba Thiam, Médecin Chef de Poste Vétérinaire de l’arrondissement partage leur crainte même s’il se veut prudent sur la question par manque de preuve scientifique. Ce qui ne l’empêche pas d’affirmer être sûr « à quasiment 75 à 80% » que ces maladies ont pour origine l’exploitation minière : « Je suis médecin, quand j’ai des maladies qui se répètent dans une zone, je regarde ce qu’elles ont en commun c’est normal que je puisse avoir des suspicions que ce soit lié à l’activité à côté. »
En plus de la diarrhée décriée par les éleveurs, il évoque des cas récurrents de péripneumonie et autres infections pulmonaires liés à la pollution de l’air qui se manifestent par une toux permanente des animaux.
Si les méfaits sont connus, les alternatives à l’alimentation du cheptel sont rares pour leurs propriétaires : « c’est une zone où est surtout pratiqué l’élevage intensif, les animaux ne divaguent pas si ce n’est dans la zone de pâturage située dans les villages de Massar, Keur Mory ou Ndombil » renseigne le Médecin Vétérinaire.
Les éleveurs sont ainsi réduits à laisser paître leur bétail dans des zones à risques : « Leurs aliments coûtent cher, on ne peut pas se baser dessus pour faire vivre nos animaux » déclare Amadou Sow.
Par ailleurs, la situation génère un impact considérable sur la productivité du bétail. « Vous voyez comme ils sont maigres, ils n’arrivent même plus à produire assez de lait » estime Fama Sow. « Si je ne vois pas de bête satisfaisante, je n’achète pas » affirme également un boucher trouvé au Marché de Diogo.
La consommation de produits issus de l’élevage dans la zone est aussi une équation à en croire le Vétérinaire Cheikh Thiam. Prenant l’exemple du lait local d’habitude consommé sans transformation préalable, il estime qu’il peut être à l’origine de complications sanitaires : « Il contient exactement ce que contient l’animal : si l’animal est malade, le virus se trouve également dans le lait ».
*Nom d'emprunt
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